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Thursday, April 18, 2024

Premier ministre et les leçons d’un long processus

Par Hudes DesrameauxCSMS MagazineLes plus généreux d’entre nous peuvent, à défaut, avancer l’idée qu’il y a eu un débat autour de la désignation comme premier ministre de Madame Michèle Pierre-Louis, désormais ratifiée. Le camp de la raison, si je peux m’exprimer ainsi, a esssayé, avec maladresse parfois, d’étayer leur support pour Madame Pierre Louis en se basant, parmi d’autres raisons, sur les droits inaliénables de tout individu à “choisir” leur orientation sexuelle et dans la mesure qu’une personne serait une homosexuelle, ceci ne peut guère l’empêcher d’assumer avec brio toutes fonctions auxquelles elle aspire. Et l’autre camp s’arcboutait sur des extraits d’une bible qui, outre qu’elle reflète un contexte historique spécifique, exprime, dans bien des cas, des positions qui retardent l’émanticipation totale de la femme. Dans d’autres cas on peut bien servir des merveilleux préceptes de cette bible (générosité, solidarité sociale) mais on doit avoir la sagesse de se démarquer de toutes positions bibliques qui excluent ou qui ne font pas honneur à l’être humain. Il est difficile d’imaginer un Jesus agréer à ce qui s’est passé à Michèle durant les six dernières semaines.Débat de sourds, diront, avec raison, certains qui doivent lamenter le fait qu’après deux siecles d’existence comme “nation”, le pays n’a pas encore appris à se parler sans avoir recours à des insultes, à des ingerences inopportunes (et sans manière) dans la vie privée d’un individu, sans brandir le principe de respect (et le respect du soi) comme base pour solidifier toutes relations sociales déjà fragilisées par toutes sortes d’inegalités et d’ exclusions qui, doit-on le redire, doivent mériter une attention particulière de nos dirigeants et de notre prochain premier ministre. Et du pays en general. C’est le cas de le dire: le pays tarde encore à rentrer dans la modernité dont l’un des rites de passage demeure le droit de toute personne à affirmer leur individualité. On ne peut pas bâtir un pays en continuant à exclure ceux ou celles qui ne nous ressemblent ou qui ne font pas les mêmes choix que nous. La moralité exige que l’on se batte pour permettre aux exclus (homosexuels, pauvres, vaudouisants, abitan et autres) a jouir de leurs droits sociaux, economiques, politiques et sexuels.Pendant que Madame Pierre Louis prépare sa déclaration de politique générale, il n’est pas trop tôt de commencer à tirer les lecons de cette experience qui est loin de s’épuiser. Si certains partis politiques n’arrivent pas à gagner “ce qui leur revient de droit” dans ces négociations, la question sexuelle peut bien rebondir malgré que Madame Pierre Louis a déjà donné sa réponse à la question. Le premier sénateur du Sud-est, Joseph Lambert, a raison: “Avec cette declaration officielle de Michèle sur son orientation sexuelle, le debat est clos. Il n’y a rien qui puisse porter quelqu’un à s’abstenir ou voter contre si, au prealable, les questions de partage des ministères et autres fonctions, ont été vidées.” C’est de ca qu’il s’agit fondamentalement. Qu’on le dise clairement: il n’y a rien d’anormal à ce que des partis politiques réclament une certaine participation dans la gestion du pouvoir. Il est à espérer, cependant, qu’il y aie enfin cohérence dans l’action et que des structures administratives soient crées pour veiller à la bonne marche des ministères et pour rendre “accountable” nos dirigeants. Le programme est important, mais ce qui compte c’est son application ou le concept “accountability” est de mise.La multiplicité des partis politiques representés à la chambre haute n’a pas aidé à trouver une issue assez rapide dans les négociations. A preuve, les négociations avec la CPP ou l’UPDN ne s’accompagnaient pas d’autant de difficultés. La méfiance étant un facteur parmi les acteurs, il faut dire que ces négociations entre des sénateurs qui représentent tant de partis politiques (mais aussi leurs petits intérêts) et le président de la république qui semble ne pas avoir recours à une equipe solide pour aider dans les négociations, étaient interminables et difficiles. Surtout quand les acteurs cachaient leurs cartes trop près de leur coeur. Le spectacle d’un président au coeur de toutes les négociations dans un contexte d’un gouvernement oeuvrant à boucler les affaires courantes donne l’impression que le pays a été “fermé” pour toutes autres types de transactions qui n’ont pas rapport au dossier du premier ministre.Le processus pour doter le pays d’un premier ministre, comme la constitution de 1987 l’établit, est trop compliqué et renferme trop d’étapes. Il faut le simplifier. Nos constituants avaient trouvé bon à ajouter un facteur-temps en cas de vacance présidentielle. Il doit y avoir quelque chose de similaire pour choisir notre premier ministre. Le pays doit se donner au plus trois semaines pour finaliser le choix. Ne faut-il pas mettre sur pied une commission de verification des documents bien avant qu’on recherche un premier ministre? Ne faut-il pas demander moins de documents que possible? Faut-il mettre au vote l’éligibilité du candidat? Ne doit-pas reduire ou éliminer certains critères d’éligibilité, à commencer par les cinq ans de residence et le probleme de la nationalité? Ne faut-il pas une seule commission (formée de sénateurs et de députés) de verification des documents?Et le plus important serait de voir comment “dépolitiser” la politique de finaliser la ratification d’un premier ministre. En effet, comment justifier que des candidats aussi valables comme Erick Pierre et Robert Manuel soient rejetés par le parlement? Et plus de six semaines après sa désignation, Michèle est loin de s’établir à la primature.Voir aussi:  Robert Manuel écarté: Les méfaits d’un rejetLa désignation de Robert Manuel comme Premier ministre ! Qu’est-ce à dire? Le temps de rallumer les étoiles!Dany Laferrière et son sacré Polaroid            Note: Hudes Desrameaux est écrivain et édotiraliste de CSMS Magazine. Il vit en Floride.

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