Par Jeanie Bogart
CSMS Magazine
De passage aux États-Unis pour l’impression de son tout nouvel album intitulé Plus Loin, le chanteur BIC nous a accordé une interview. Après l’album WOW (on se souvient du clip très hot) qui a eu un succès considérable, le chanteur affirme avoir trouvé son rythme propre et se dit encore plus satisfait de ce nouvel album.
JB– Que signifie BIC et pourquoi avez-vous fait le choix de ce nom?
BIC- Mon père est du Cap-Haïtien et là-bas lorsque les gens parlent de bic c’est qu’ils font allusion au nom de marque d’un stylo, c’est une référence à la plume. Pour moi, la plume est une sorte de catalyseur. C’est le passage des idées du cerveau au papier.
Mais parallèlement, BIC est aussi un acronyme: le B pour Brain (cerveau), le I pour Intelligence (intelligence) et le C pour Creativity (créativité).
JB– Êtes-vous du Cap-Haïtien aussi? Dites-nous comment s’est déroulé votre enfance?
BIC– Mon nom de naissance est Roosevelt Saillant. Je suis né à Port-au-Prince où j’ai grandi avec ma mère. Je n’ai pas vu mon père à la maison. Il était parti tout simplement. C’est ma mère qui m’a éduqué, m’a formé. Je suis l’aîné de la famille. J’ai grandi avec quatre soeurs et beaucoup plus tard, j’ai eu un frère.
Ma mère voulait que je devienne un grand informaticien. Après mes études classiques, j’ai donc été à l’INUQUA mais à la 2ème année, à cause des cours de mathématiques dans le programme et puisque je n’ai jamais aimé les mathématiques, j’ai quitte l’école pour me rendre à Quisqueya où j’allais étudier l’interprétariat bilingue. Puis, je suis entré dans l’enseignement.
JB- À quel âge avez-vous commencé à chanter?
BIC– J’ai fréquenté l’école des Soeurs de Sainte-Thérèse de Pétion-Ville, une école congréganiste. Donc tout naturellement, on chantait à l’église. Au début des années 90, Master Dji que je dois remercier d’avoir introduit le rap créole en Haïti, avait organisé un concours de chansons “Pa pran dwòg” pour dire non à la drogue. J’y ai participé et j’ai gagné. Par la suite, il m’avait emmené aux studios de Tropic FM pour enregistrer la chanson. Mais c’est officiellement en l’an 2000 que j’ai rencontré quelqu’un à la recherche d’un chanteur pour le groupe Flex avec lequel j’allais faire un album.
JB– Parlez-nous un peu de l’artiste en vous.
BIC– BIC est un artiste qui croit en la créativité et qui essaie de trouver la façon la plus poétique de dire la chose. Il est en constante compétition. D’abord avec les grands artistes qui l’ont précédé, ensuite avec lui-même. Si on n’est pas en compétition avec soi-même, on va se répéter. Il est très ouvert, il écoute attentivement les autres et puis il travaille à se faire un nom au niveau international.
JB– Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre style? Est-ce du Raggamuffin, du rap créole ou autre chose?
BIC– Je n’aime pas me catégoriser, mais je dirais plutôt du world beat. Je trouve qu’on ne peut pas vendre le reggae aussi bien que le jamaïcain tout comme on ne peut pas vendre le R&B aussi bien que l’américain. Ce que j’essaie de faire, c’est l’inclusion des instruments haïtiens parmi les autres. Dans ma musique il y a la conga, le tambour, la guitare accoustic, etc.
JB– Parlez-nous de votre transition de Flex à BIC. Qu’est-ce qui vous donné l’idée de former BIC?
BIC– En 2004, les musiciens de Flex ont décidé de tout laisser tomber. Par la suite, j’ai rencontré un producteur, Edner Jean, avec qui j’ai fait l’ album solo intitulé WOW. Trois ans plus tard, voilà, on est revenu avec un autre album.
JB– Vous chantez en anglais, avez-vous vécu dans un pays anglophone?
BIC– Jamais. J’ai toujours été chez moi, en Haïti. Si j’ai chanté en anglais, c’est par pure fantaisie.
JB– Il existe beaucoup de jeunes haïtiens qui ont adopté le rythme jamaïcain ou américain, parfois les deux. Pensez-vous que c’est un mouvement positif? Est-ce bien reçu en Haïti?
BIC– Les adultes disent que la jeunesse haïtienne est mauvaise sans se rendre compte qu’ils ont formé cette jeunesse. Ils ont préféré fermer la porte aux jeunes au lieu de les encadrer. Il est très difficile pour la jeunesse de s’extérioriser. Fort heureusement, ils ont la détermination et l’espoir.
On a le Compas Direct comme musique traditionnelle. On ne peut pas jouer que ça. La musique, comme toute chose dans vie, évolue, se modernise. Chaque personne trouve son goût à quelque chose. Aux États-Unis par exemple, il y a le Jazz, le Rock-N-Roll, le R&B, le Pop, etc. Ils ont le choix. Nous ne pouvons pas nous limiter au Compas Direct.
JB– Il parait que vous composez les textes des chansons et que vous êtes aussi poète, est-ce vrai?
BIC– C’est bien vrai. J’aime écrire mes propres textes. J’ai ma façon de voir les choses. Il n’est pas évident qu’elles seraient exprimées de la même façon par quelqu’un d’autre. Il y a aussi le groupe K-dans pour lequel j’ai écrit pas mal de textes, tels malatyong, lanmou avèg, after the party.
JB– Le genre de message que vous faites passer dans vos textes, trouvez-vous que c’est le même type de message que l’on retrouve à travers vos vidéo clips?
BIC– J’aime parler de la femme. J’ai aussi composé Pòtoprens qui est un texte à caractère social. Les gens aiment écouter les choses qui ont rapport avec les femmes. Cependant, lorsqu’il faut faire un vidéoclip, c’est différent. Pour vendre le produit, il faut plaire aux gens.
JB– Pour les fans au féminin qui se posent la question, BIC est-il libre?
BIC– BIC est libre. BIC est l’homme du monde. Il vit pour le monde, pour ses fans. Il essaie de plaire à tout le monde. Ça, c’est l’artiste. Il y a Roosevelt Saillant qui est marié. Il a son foyer et ses deux filles.
JB– Comment la famille conçoit-elle l’idée de vivre avec une personnalité publique?
BIC– Avant même de nous marier en 2004, nous avons discuté de tout cela. Je ne voulais pas que mon statut de chanteur crée des problèmes entre nous. Tout va bien jusqu’à présent. On essaie de se comporter en adultes, de prendre ses responsabilités, de respecter ses limites, de respecter l’autre.
JB– Avez-vous jamais eu l’envie de quitter Haïti, d’aller vivre ailleurs?
BIC– Vu la situation du pays, ça vous tente parfois. Mais quand on est à l’étranger, on a cette impression qu’on n’a pas sa place. Ce que j’aurais bien aimé c’est être un artiste de carrière avec suffisamment d’argent pour voyager partout dans le monde mais qui a toujours son chez soi où rentrer. Mon pays de rêve c’est Haïti.
JB– Maintenant, pouvez-vous nous mettre au parfum de l’album Plus Loin?
BIC– Plus Loin contient 14 titres. L’idée est de porter la musique haïtienne plus loin, au-delà des frontières. C’est aussi l’idée que nous avons grandi par rapport à WOW(3 ans). Je suis très satisfait car cette fois, nous avons été plus loin dans la conception musicale. L’album est aussi meilleur au niveau de la qualité poétique. Il est plus canalisé; nous avons trouvé notre rythme. Parmi les titres, on compte: Bienvenue chez nous, Société moins 1, yon pè zèl(avec Bélo), A dance under the rain.
L’enregistrement a été fait en Haïti, je suis venu aux États-Unis pour m’occuper de l’impression du produit. Plus Loin sera disponible à Musique en folie. Après le lancement à Livre en folie, nous comptons organiser des ventes signature dans les autres départements du pays.
Note: Jeanie Bogart est écrivain, poète et collaboratrice de CSMS Magazine. Elle vit à New York et peut être contactée à [email protected]
Voir aussi: “LA NUIT DES CONJURÉS” UN ROMAN À LIRE