Par Hudes DesrameauxCSMS MagazineLe rejet par la chambre basse du premier ministre designé, Mr. Robert Manuel, constitue, a coup sur, un gros coup au président René Préval. Son prestige de chef d’État se trouve grandement diminué après que son ex-premier ministre Jacques Edouard Alexis et les deux hommes qui devaient assurer la succession ont été tout bonnement écartés par nos chers députés et sénateurs.La défaite de Préval ne fait qu’amplifier toute une série d’erreurs stratégiques et tactiques qu’il a commises tout au long de ses deux ans au palais national. Sur fond d’un gouvernement qui n’arrive pas encore à soulager la misère des plus pauvres et dont le succès – la baisse de l’insécurité – semble être maintenant en doute, le choix du président en 2006 de ne pas compter sur les parlementaires de l’ESPWA pour atterir au parlement sa politique ou sa politique économique parait aujourd’hui fatal pour ce gouvernement.Plus: la tendance du président à engager des négotiations uniquement en privé sur un sujet aussi important pour l’avenir du pays trahit encore sa mauvaise gestion de la chose publique et de ses choix politiques. Il faut publiquement parler au peuple et à la société pour lui dire, comme dans le cas de Robert Manuel, pourquoi le dernier aurait été un bon remplacement pour Jacques Edouard Alexis et pouquoi les Messieurs du CPP, en choisissant de continuer à défier le président (d’autres parlent aussi de prerogatives constitutionnelles), menacent de faire couler au plus vite le navire national.Il est vrai que la source du problème demeure le chef de l’État. Cependant, nos chers députés du CPP doivent être plus prudents et clairvoyants. Ce regroupement au parlement est loin de nous convaincre – voir l’interview qu’un chef de file du CPP a accordé au Nouvelliste – sur leur désir de rompre avec nos ancienne pratiques politiciennes. CPP s’en voulait à Erick Pierre prétextant que celui-ci est le chantre du neo-liberalisme et, comme l’OPL dix ans avant, le CPP a coulé Erick Pierre à cause de son nom. Quoi de neuf!René Préval a designé Robert Manuel, quelqu’un dont la sensibililité pour le peuple ne fait aucun doute, eh bien le CPP se rabat sur le fait que Robert Manuel n’a pas residé au pays pendant cinq ans et qu’il ne serait pas propriétaire. Ces députés parlent de lutte contre la corruption alors qu’ils rejettent quelqu’un qui a la capacité de mener une lutte systematique contre la corruption. Finalement, il n’est pas à exclure que la peau de Robert Manuel a peut être suscité des craintes au camp du CPP, à savoir que les portes de la primature leur seraient fermées. Faut-il se demander encore: Où est la rupture tant vantée?On ne peut pas en vouloir au CPP d’avoir rejeté le choix du président en appliquant à la lettre la constitution de 1987 en relation avec le fameux article 157 et ses alinéas. Cependant, même dans la défaite, le président doit encore avoir gain de cause lorsqu’il avait demandé que le pays s’engage dans un débat autour de notre constitution. En vérité, le “conflit” CPP/Erick Pierre et CPP/Robert Manuel montrent encore une fois comment notre constitution, en l’appliquant, peut créer toutes sortes de problèmes. Et aujourd’hui ce qui nous frappe dans l’application étroite de cette constitution, c’est comment elle peut péreniser l’exclusion de toute une série de citoyens qui ne demandent rien qu’à servir leur pays.Les luttes au niveau de la société, comme prévu, s’etaient aussi glissées dans l’élaboration de la constitution de 1987. Le camp du changement avait son article 91 pour stigmatiser les macoutes qui devaient être proscrits de participer à quelque fonction politique dans le pays. Maintenant on voit, tragiquement, comment cette constitution peut être utilisée pour barrer la route à des gens compétents et honnêtes.Robert Manuel ne serait pas propriétaire, comme le demande la constitution, et par consequent inéligible pour le poste de premier ministre. Aux Etats Unis où j’habite, il est très facile de posséder une petite maison “chè mèt, chè mètrès” dans la mesure où l’état americain et les banques offrent des credits dans ce sens à des citoyens. Est-ce le cas dans notre pays? Robert Manuel, un membre de la petite bourgeoisie aisée et fonctionnaire de l’état pendant des années, n’est pas propriétaire en Haiti. Donc, il n’est pas éligible pour être un premier ministre. Qui peut donc bénéficier d’une telle loi? Qui aurait intérèt à promulguer une telle loi?Erick Pierre a été écarté de la course pour le premier ministre à la fin des années 90 parce qu’il ne pouvait pas montrer que ses grands parents étaient d’origine haitienne faute de pieces d’identification. Et encore en 2008 parce que son nom figurait comme Pierre Erick Pierre quelque part et Erick Pierre quelque part d’autre à cause peut être d’un manque de connaissances de l’officier de l’état civil. Quelle injustice? Doit-on se demander encore: Qui peut bénéficier d’une telle loi sinon ceux ou celles qui ne veulent pas que le pays change?Robert Manuel n’a pas résidé pendant cinq années consecutives au pays, comme l’exige la constitution. Pourquoi 5 ans, et pas un an? Il est clair que la diaspora qui sortait de l’éxil en 1986 était visée avec cette loi. On peut comprendre pouquoi les militaires à l’époque, qui avaient éxilé tant de nos compatriotes, prenaient un malin plaisir à écarter ces patriotes aux affaires du pays. Mais quand d’autres citoyens-députés en 2008, qui se disent, par surcroit, progressistes, brandissent cette loi pour punir un autre progressiste du nom de Robert Manuel, qui avait été forcé de quitter le pays pour sauver sa peau, eh bien, on doit crier a l’horreur.Le processus de ratification des deux premiers ministres designés montre encore une fois comment notre pays dans bien des cas refuse de penser et quand il essaie de le faire, il le fait mal. Au moment où certains decrient comment Robert Manuel ne possède pas de diplomes et que des étudiants de l’université d’Ètat d’Haiti publient un papier où il demande que les occupants des Casecs et Asecs possèdent au moins le baccalaureat, c’est le même processus d’exclusion qui continue. Et cette fois ci par le bas. Les Namphy et autres petits dictateurs seraient ravis de ces étudiants.En Haiti en 2006 pour participer à l’investiture du président René Préval, je fus frappé par la jeunesse de nos députés. Et ce qui me frappe aujourd’hui avec certains d’entre eux c’est comment ils peuvent faire montre, sans peut-être le vouloir, d’un manque de clairvoyance politique. Ils ont encore donné raison à Edmond Mullet: Ils ne sont pas à la hauteur de leur tache. Ils n’ont peut-être pas lu le livre de Pierre-Raymond Dumas “Portraits Politiques et Hommages Divers” où celui-ci a montré comment nos grands penseurs politiques comme Anténor Firmin, Hannibal Price et tant d’autres ont connu l’éxil. Et la question qu’on doit se demander: Comment cette société peut-elle continuer à punir pour aucune raison valable des gens qui aimeraient vivre dans leur pays mais qui se sont vus banir de leur pays?Pour le malheur de notre petit pays.Voir aussi: La désignation de Robert Manuel comme Premier ministre ! Qu’est-ce à dire? Le temps de rallumer les étoiles!Dany Laferrière et son sacré Polaroid Note: Hudes Desrameaux est écrivain et édotiraliste.. Il est aussi notre collaborateur. Il vit en Floride.