Par Joel Ducasse, Agr. L’État haïtien a pris naissance à partir d’une victoire militaire en 1804 qui nous léguait en plus de la liberté, 27,750 Km2 d’immobilier dans une position stratégique au sein du continent américain[1]. Justice doit être rendue à ce propos à la contribution des « places à vivres » de la paysannerie dans la consolidation de la victoire des armes sur le système esclavagiste mondial pan européen et américain, ce sans soutien de l’USAID ou autres, à notre agriculture. 200 ans après, il est temps de reconnaître que le pays doit à la paysannerie entre autres :- Son indépendance pour avoir assuré la sécurité alimentaire du pays pendant les premières décennies d’ostracisme, puis produit les denrées d’exportations qui ont fourni les devises nécessaires à la sécurisation militaire du pays, puis au paiement de la dette de l’Indépendance;- La quasi totalité des infrastructures du pays réalisées à ce jour, payées à partir des devises des exportations agricoles (hors l’épisode d’exportation de bauxite ou plus récemment les payrolls délocalisés de la sous-traitance);- Les biens de consommation importés (véhicules, équipement ménager, habillement, etc.) concentrés pour l’ensemble dans les villes au détriment des sections communales et du bien être de plus de 80% de la population;L’indépendance d’Haïti, fille de la révolution bourgeoise française, acquise contre un système esclavagiste, semblait annoncer la fin des privilèges ; la paysannerie haïtienne productrice de biens, donc bourgeoise dans son essence paraissait être le socle sur lequel aurait pu naître la Nation. Il n’en a rien été. L’appareil politique a été rapidement dominé par des accapareurs exclusivistes sans projet national qui ont confisqué les moyens du mieux-être pour tous, situation qui a continué sans désemparer jusqu’en plein 21ième siècle, au point que nous pouvons qualifier jusqu’à présent notre société de féodale. A ce jour, l’accès au budget de l’Etat continue à constituer la principale industrie, aussi bien pour une administration publique budgétivore et impuissante, que pour un privé d’Etat toujours affairé dans des commissions secteur privé – secteur public les rendant omniprésents dans les curées sur des projets montés à la va-vite, dans l’urgence, en relais avec des affairistes internationaux en situation de vente d’influence dont les lobbyistes du Black Caucus, l’OEA, la CARICOM, et autres. Périodiquement, ces intérêts sont défiés par l’insatisfaction de la population souffrante, avec comme dernier avatar la tentative de recomposition échouée du pouvoir d’Etat par le vaste mouvement de société civile en 2004. Arrivés collectivement si près du précipice, poussés vers, dans le dos, par la communauté internationale qui ne s’est jamais départi de son appui au Gouvernement issu des élections frauduleuses de Mai 2000, on aurait pu penser que le forum de société civile appelé Groupe des 184 dont nous avons fait partie, qui menait la contestation dans le cadre d’un Vouloir Vivre Ensemble, aurait pu dans un sursaut se mettre à la hauteur de la situation et aider à poser les vrais problèmes. Mais la partie figurative et mystificatrice du mouvement a pris le dessus (provisoirement) sur la partie revendicative en boycottant la solution locale rassembleuse au profit d’une gestion politique de sous traitance de la transition imposée par Washington. Pour la suite, des figurants de service se sont prêtés au spectacle de mauvais goût qui se joue. L’échec patent de cette transition, marque encore une fois la réussite des tenants du statu quo, les rentiers du système pour qui Haïti continue à marcher très bien, avec même, objectivement, une situation améliorée vu la prise en charge annoncée du social et de la sécurité par la communauté internationale au travers de la Minustah. Car il faut comprendre que LA PAUVRETÉ EST UN PROJET CONSTRUIT par les tenants du système, et que notre sous développement est l’aboutissement d’un processus, et un état stable dans lequel, l’ensemble des moyens du mieux-être collectif est confisqué, mobilisé ailleurs, au service d’une oligarchie à œillères. Changer les choses au bénéfice de la population commande la mise en œuvre d’un CONTRE PROJET en rupture avec l’existant, et centré sur la mise à bas du système d’accaparement des moyens économiques du pays. Qu’on ne s’y trompe pas, cette question est préjudicielle. Et la stratégie de mise en œuvre de ce contre Projet ne doit pas souffrir de la contingence d’un pseudo consensus social à rechercher avec les tenants du système. La réussite de ce contre projet implique de traquer dans touts leurs refuges et de mettre à bas LE RÉGIME DE RENTES, le seul régime politique que le pays ait connu, au-delà des tours de passe-passe montrant des pseudo changements dans l’appareil d’Etat. Le troisième contrat social, inclusif cette fois, que le pays recherche, après le Code Noir[2], et le Régime des Rentes[3] est à ce prix. Parler de Nouveau Contrat Social dans la conjoncture présente, c’est prendre l’engagement envers le pays en dehors, si on ne fait pas dans le figuratif, de défier et terrasser le Régime des Rentes. Ce texte fait un diagnostic actuel du système des rentes, et indique les moyens d’y mettre fin. La disparition du régime des rentes libèrera des ressources importantes au bénéfice de l’appareil de production, des services de base et des services sociaux au bénéfice des citoyens dans un cadre prévoyant l’équipement des sections communales et des communes du territoire par la dynamique locale. « L’âme du citoyen est dans la Commune », comme dit Alexis de Tocqueville. LE RÉGIME DES RENTESLa situation du rentier s’entend d’un contexte où la captation de revenus n’est pas tributaire du travail fourni. Si dans certains cas, les rentes de placement peuvent servir à financer l’économie, Dans le cas extrême d’Haïti, le RÉGIME DES RENTES détourne les ressources au profit d’une minorité exclusiviste. Ce Régime politique, ne nous y trompons pas, s’est renforcé continuellement au cours de ces 200 ans. Actuellement, il continue sans désemparer son travail de sape en monopolisant l’épargne nationale, ralentissant les transactions et cassant les reins à toute velléité de progrès. Ce régime fonctionne par l’accaparement des moyens de création du mieux être collectif par des minorités embusquées, qui mettent en scène des figurants de service au sein de l’appareil d’Etat et à la têtes d’organisations clés de société civile.Il se renouvelle par le haut, par affrontements et dépossessions entre minorités oligarques se cherchant à chaque fois une quantité figurative suffisante de « peuple », en faisant passer les prébendes, de minorité allemande à minorité anglaise lors de la deuxième guerre mondiale, à minorité levantine, surfant sur les vagues populistes duvaliérienne, militariste ou aristidienne, ces cinquante dernières années, s’affaiblissant à chaque fois – au profit de, et vassalisées par – les composantes étrangères de la Classe de Pouvoir d’Etat basées à Washington, Paris ou Santo Domingo, et maintenant Medellin, tout en tolérant une mobilité verticale « d’élus » de classe moyenne s’étant signalés par des services rendus, ou leur fidélité à la cause oligarchique. Ces derniers ramassent alors quelques colifichets cédés par la classe de pouvoir à son appareil, sous forme de biens de consommation, dont des résidences et voitures de luxe, des annulations de dettes, ou plus rarement leur intégration à part entière au partage du butin. Il est des cas dans le monde où des situations de rente ont contribué à implanter des élites dans une position de dominance économique ; ces dernières ont par la suite joué le rôle de locomotive en attachant les wagons des autres couches sociales dans un cadre d’une volonté hégémonique de progrès débouchant sur un partage des fruits de la croissance. On peut citer la rente de la pampa pour la classe dominante argentine, ou la rente de la biomasse forestière pour le Canada. La rente dont nous parlons en Haïti est différente : elle s’oppose à la production, réduit la productivité, empêche la formation de capital au sein des couches économiques travailleuses, et annule la création du bien commun. Le résultat obtenu par le régime de rente de 1804 à nos jours est à comparer avec l’appréciation de la bourse de Chicago créée en 1804, où un dollar qui y a été investi en cette année de la déclaration de notre Indépendance en valait 200,000 en l’an 2000 à un taux moyen d’appréciation de 6.4% ; le soin est laissé au lecteur d’inférer la valeur actualisée comparative dans l’Haïti de Dessalines, de ce montant pour la même période. Le régime des rentes, séculaire dans sa disposition, évolutif en fonction des territoires déjà dévastés (dont les denrées d’exportation et la rente de biomasse), est solidement retranché au niveau des rentes principales suivantes, fonctionnant en vases communicants :1. la rente sur les actes authentiques,2. la rente bancaire,3. la rente foncière,4. la rente politique.5. la rente sur l’environnement, 6. la rente sur les jeux de hasard,7. la rente commerciale sur le rizGénéralement, les systèmes de rentes se mettent en place en deux étapes :
- d’abord, la recherche d’une mission déléguée de service public,
- suivi d’une forfaiture, au sens de la trahison de l’esprit de la mission au bénéfice d’un cartel d’accapareurs.
Ensuite, la patine du professionnalisme technocratique et des concepts pseudo économiques aident à donner bonne conscience et servent à masquer l’esprit de lucre avançant en pavillon masqué. 1. Traitement proposé de la rente sur les actes authentiques Les notaires en Haïti Ils sont des officiers assermentés qui ont – entre autres – la charge de la passation des actes authentiques ayant trait à la vente des biens immobiliers. Pour leur travail, ils sont payés par des frais notariés ad valorem. Cependant, contrairement à ce qui se passe en France d’où est tiré notre droit, les valeurs payées lors des transactions transitent sur leurs propres comptes en Banque. En partant une hypothèse basse de 20,000 affaires par an pour une population de 8 millions d’habitants, et d’une moyenne de US$ 20,000 par affaire, on peut dire que moins de 200 notaires à travers le pays transitent sur leurs comptes environ 400 millions de dollars. Si on compte un temps moyen de 5 semaines pour la passation de l’acte authentique, l’usage d’un volant permanent d’environ 40 millions de dollars (le float dans le jargon bancaire) est laissé à leur discrétion, avec probablement 10% des notaires gérant 90% de ce pactole. Ces notaires se transforment ainsi en prêteurs à gages, et probablement comme premiers arrangeurs de portefeuille des dépôts à terme du secteur bancaire. En examinant le Droit français d’où est tiré notre Droit, on trouve que l’acquéreur d’un bien immobilier verse le montant de la transaction à la « Caisse des Dépôts et Consignations » et remet le certificat de dépôt au notaire pour la passation de l’acte authentique. La transaction finalisée, le notaire endosse le certificat à l’ordre du vendeur qui le présente à la Caisse pour le retrait de la valeur payée par l’acquéreur. Les fonds de la Caisse des Dépôts et Consignations en France servent à cautionner :- la Banque de Crédit Agricole qui fonctionne comme une Banque de Développement. Le Crédit Agricole à partir de cette disposition a établi un maillage d’agences dans chacune des Communes françaises qui sont au nombre de 36,000. – Les emprunts des administrations locales en vue du financement des services de base à la population (eau, électricité, assainissement, etc.), l’infrastructure et le logement. Pourtant bien au courant de cette problématique, ces garants de l’intégrité des transactions entre tiers pour compte de l’Etat, sont pris en défaut de détournement pour soi, de cette ressource (la rente notariale), privant le monde rural qui représente jusqu’à aujourd’hui les deux tiers de la population, du moyen financier structurel dédié ailleurs à la création de la richesse agricole et agro industrielle[4], au développement du logement, et à la fourniture des services de base (eau, électricité, assainissement, etc.) à l’ensemble de la population. La réorientation de la rente notariale vers notre Caisse des Dépôts et Consignations apporterait une contribution de près de deux milliards de gourdes qui servirait de caution initiale pour la création d’une banque de Développement à doter de moyens à la mesure des besoins de rattrapage de l’économie, et nécessaires à la fondation de notre humanité citoyenne. [5]Les arpenteurs Selon la loi (leur loi), les propriétaires de foncier sont astreints à rafraîchir les lisières de leur propriété chaque cinq ans. Cette obligation, ajoutée au fait que les arpenteurs peuvent être payés en nature, leur donne la vocation sur le terme, d’émietteurs de propriété, de destructeurs de l’appareil de production et de grands propriétaires absentéistes. Le travail de tout arpenteur devrait être rattaché à l’administration communale et leur émolument pris en charge par la Mairie (double du document pour le cadastre) qui y mettrait un coût de dossier devant préfigurer une Contribution Foncière sur la Propriété non Bâtie, dont le revenu permettra de sécuriser la propriété dans toutes les sections communales et sera l’instrument d’une réforme foncière réussie sur le modèle que nous avions proposé en 1986 dans notre article « Pourquoi la Montagne est-elle assassinée !… ». 2. Traitement proposé de la rente bancaireDéjà nous disions dans notre article « A Visage Découvert ! » paru dans le Nouvelliste en Avril 1996, que « le secteur bancaire privé était en collusion objective avec l’Etat haïtien pour détrousser la population et détruire notre économie ». Rien n’ayant objectivement changé, la seconde bataille pour débusquer les privilèges passe par le contrôle de l’utilisation de l’épargne nationale : c’est le lieu cardinal où les féodaux doivent être défaits dans leurs activités masturbatoires sans rapport avec l’économie réelle se rapportant au change, aux transferts et aux bons BRH. Le change : le système bancaire privé est autorisé par la BRH au nom de la collectivité à recevoir des dépôts du public, avec comme mission implicite de préserver la valeur de l’épargne ; il ne fait pas de sens que le change soit devenu la principale source de revenu des banques, et qu’elles soient ainsi impliquées dans une spéculation qui dévalorise le bien qui leur est confié, ce qui s’apparente à une forfaiture. Entre 3 et 4 millions de dollars américains sont changés quotidiennement procurant au secteur bancaire un gain journalier évalué entre 6 et 8 millions de gourdes. L’une des banques de la place a déclaré dans ses états financiers couvrant 2003, un profit net pour l’exercice de 173 millions de Gourdes, à comparer avec ses gains déclarés sur le change, de 171 millions, soit un gain moyen journalier d’un demi million de Gourdes. Ce qui n’est pas mal du tout, en rapport avec la catastrophe politico économique et environnementale de l’année citée en référence.Le change doit être pris en charge par la BRH qui mettra des contrôleurs au sein même des banques commerciales. Les opérations seraient bouclées à la journée, les banques commerciales recevant 10% de la marge brute quotidienne pour ce service, la balance étant affectée à la capitalisation d’un fonds de développement pour la reconstruction des Gonaïves par exemple. La récupération de cette rente peut apporter une contribution potentielle de près de deux milliards de Gourdes à la constitution d’un fonds de garantie pour le financement de la croissance économique et du mieux-être de la population, à raison de 7 millions de Gourdes par jour pour 300 jours de travail annuellement. Ce premier pas serait la première bouffée d’oxygène d’une Haïti frappée de marasme économique, avec une population active subissant un taux de chômage de 70%, bon dernier sur le continent américain en termes des performances économiques, mais arrivant parmi les trois premiers parmi les pays les plus corrompus de la planète. Les transferts : les prélèvements sur le travail de la classe productrice paysanne (42% d’impôt sur le café par exemple à un certain moment) ont provoqué son appauvrissement, et sa migration vers l’Amérique du Nord. Ces migrants ruraux en diaspora ont envoyé pour l’année 2003 près d’un milliard de dollars US en Haïti. Le prélèvement du système bancaire sur ces transferts a été estimé à près de 100 millions de dollars alors que des études comparatives ont montré qu’en République Dominicaine, ces coûts étaient de dix fois moins, au point qu’une étude de la BID a suggéré que le moyen le plus direct et le moins coûteux pour transférer le plus rapidement de l’argent aux couches les plus pauvres du pays, serait de mettre en place des moyens alternatifs pour la réalisation de ces transferts, autrement dit, d’enlever cette population désarmée des griffes de sa pseudo bourgeoisie. Nous voyons même des banques s’occupant de transfert de fonds proposer des transferts en nature, soustrayant ainsi les montants transférés d’une utilisation pour l’augmentation de la capacité productive, ou pour l’acquisition de biens produits localement, ce en conformité avec le PROJET DE SOCIÉTÉ DE CE CARTEL. La mise en place d’un système de transfert efficient avec l’aide de la BID pourrait faire passer le coût des transferts (du gain brut des banques sur l’opération) de 100 à 10 millions, soit un transfert direct aux couches les plus nécessiteuses, de près de 90 millions de dollars. Le tiers, soit 30 millions de dollars pourrait être retenu dans le montage à mettre en place, pour la capitalisation de la Banque de Développement, soit une contribution de près de 1.2 milliard de Gourdes par an.Les bons BRH : Ces bons ont créé des situations où sur une certaine période, l’épargne captée à 4% l’an était rétrocédée à la BRH à 26%, avec un risque nul. Alors que la Constitution interdit les monopoles, on a pu voir la BRH opérer des transferts directs atteignant près de 800 millions de Gourdes certaines années à ce cartel. Le secteur bancaire privé des affaires, avec les bons BRH, remplaçait ainsi comme bénéficiaire de l’assistance sociale, les petits métiers démunis (chanyes, vendeurs de frescos, mendiants, etc..), les infirmes et les estropiés, en se prévalant de transferts autrement importants, au lieu des enveloppes chargées de dix à cent gourdes habituellement octroyés par la Loterie de l’Etat Haïtien ou le CAS à ces démunis de jadis. La BRH finançant à l’époque le déficit de l’Etat, menait une action s’apparentant à un emprunt au prix fort auprès d’un club sélect de poignardeurs alors qu’elle aurait pu accéder à ces montants à un taux de rémunération proche de celui offert aux épargnants. Ces transferts directs pendant ces dix dernières années pourraient être contestés dans leur logique, la constitution interdisant les monopoles et les rentes[6]. A noter aussi que les emprunts de l’État sont assujettis à l’accord du Parlement et sont gérés par le Ministère des Finances. Mais enfin, nous avons même vu un Gouverneur de la BRH acheter 27 voitures de luxe pour le Sénat, en vue de se faire réélire par le même Sénat au bout de son mandat de trois ans arrivé à terme, et s’en justifier sur les ondes. S’il est un acquis dans cette sombre période de transition, c’est bien la suppression par la BRH de ces transferts directs au bénéfice du cartel bancaire. A propos des incendies répétés dans les marchés de la capitale, et les inondations qui font disparaître le numéraire des couches défavorisées Nous disions en 1996 : « le secteur bancaire privé est en collusion objective avec l’Etat haïtien pour détrousser la population et détruire notre économie ». Nous pouvons constater par un hasard constant et troublant, qu’ils sont encore les principaux bénéficiaires des disparitions de numéraire, lors de ces incendies et/ou inondations qui immanquablement font l’affaire de ces deux entités. En effet, ils sont les points de ré-entrée obligés du numéraire circulant (sans inflation), CELUI CI en bénéficiant au niveau des frais, et sinécures, pensions de ministre, prime de risque de Conseillers électoraux et autres 14ème, 15ème ou même 16ème mois payés par la Res Publica confondue en Res Copina, CELUI LÀ en engrangeant le bénéfice de la création monétaire en faveur de l’importation des biens de consommation où d’activités spéculatives. Traitement proposé de la rente foncière Une rente foncière importante est prélevée sur le système de production agricole du pays, qui est incompatible avec le développement de l’Agriculture. Comme illustration prenons l’exemple de ce général à la retraite qui louait 300 Cx de terre des fermes de l’Etat à l’ODVA au début des années quatre-vingt, à USD 100 le carreau, pour les sous louer à des paysans à US$ 2,000 la récolte, extrayant du système de production de l’Artibonite près de USD 600,000 par an. En analysant le système de production de la Vallée de l’Artibonite dans un de nos articles parus en 1986, nous avions montré que le coût du foncier intervenait pour USD 7.00 dans un sac de riz, contre Usd 0.30 dans les zones rizicoles du Texas. Cette rente empêche l’accumulation de capital dans le secteur agricole, et contribue à faire une pression vers le bas sur les salaires et revenus des agriculteurs, au nom d’une « compétitivité » de l’agriculture haïtienne à maintenir face aux produits agricoles importés lourdement subventionnés. Cette vision de court terme privilégie aussi l’insécurité foncière pour les « de moitié » sur des terres qui se louent le plus souvent à la récolte (maïs sur trois mois, riz sur quatre mois, etc)… Si l’agriculteur en de moitié est pris en flagrant délit de planter à plus long terme, le verdict est «Raché manyok ou bay tè a blanch», car les 18 mois du manioc, c’est du long terme. En France tout au contraire, les lois cassent intentionnellement les reins à la rente foncière au bénéfice des exploitants directs. Le résultat est obtenu par le biais d’une taxe locale, la Contribution Foncière sur les Propriétés non Bâties. En vue de favoriser l’exploitant direct, la contribution mentionnée est calculée à une valeur très proche du coût de location de la terre, en sorte que le bénéfice de posséder un terrain qui n’est pas en exploitation directe est annulé ; la soif de terre du paysan est tempérée et les montants reçus de cet impôt local sont affectés au remembrement foncier, au développement de l’agriculture, et au support des organisations de la société civile consulaires (Chambre de Commerce et Associations des Professionnels de l’Agriculture) qui remplissent une fonction Conseil auprès des administrations locales. En même temps, le long terme est privilégié car tout propriétaire qui met ses terres en production forestière est exonéré de la Contribution Foncière sur les Propriétés non Bâties pendant 25 ans (c’est bien pour cela qu’on y trouve des forêts). La rente foncière spéculative sur les terrains urbains montre le cas d’un carreau de terre à l’arrière de l’Aéroport de Maïs Gâté, acquis pour Usd 800 sous Magloire dans les années 50, et vendu Usd 200,000 cinquante ans plus tard. Les spéculateurs fonciers sur le long terme tirent une rente beaucoup plus subtile ; la Contribution Foncière sur les Propriétés Non Bâties n’existant pas en Haïti, la rente en est la sécurisation à l’œil de ces biens par l’État. L’insécurité des propriétés en est la conséquence, parce que dans le cas d’existence de cette contribution, les revenus auraient probablement pris en charge le paiement d’une police en charge de réprimer ces actes, et le spoliateur serait peut-être dans le cas de figure de monter la garde en uniforme, devant ce même terrain. Nous disions déjà en Avril 1986, dans notre article Pourquoi la montagne est elle assassinée !… que l’oligarchie captatrice de la rente foncière, était en situation politique extrêmement faible par rapport à toutes les composantes du corps social, et nous proposions une méthodologie pour la pousser dans les poubelles de l’histoire, en disant que si cette intégration ne se faisant par de façon planifiée, elle se fera par la violence. On s’en rapproche ; certains alarmistes pensent que nous y sommes déjà. Nous, nous pensons que si le problème politique causé par le régime des rentes n’est pas abordé, le meilleur reste encore à voir… avec les actions convergentes du banditisme crapuleux, de ceux qui veulent une rupture violente avec l’ordre ancien, et leurs adversaires qui continuent à voir dans cette insécurité une opportunité pour accéder à la rente politique, clé de voûte du système. On estime que près de 30% des terres exploitées le sont en faire valoir indirect, soit une superficie de près de 300,000 ha se trouvant en cette situation. Notons provisoirement que l’élimination de la rente foncière par le biais indirect de la Contribution Foncière sur les Propriétés non Bâties, transfèrerait, en prenant une moyenne très conservatrice de Gdes 2,000 par an, près de 600 millions de Gourdes aux administrations communales qui ont la charge d’appuyer le développement de l’agriculture et des services sociaux de base sous surveillance de leurs administrés. Traitement proposé de la rente politique Elle est omni présente, et sert les intérêts des habituels accapareurs des biens de l’Etat et de leurs franges de classe moyenne en logistique de service. La première démarche des heureux cooptés de cette industrie est la sécurisation personnelle, illustrée dans la situation de début 2005 ou près de 50% de l’effectif des policiers actifs au nombre de 3,000 sont en charge de la sécurité de 200 officiels du Gouvernement, l’autre moitié s’occupant de 8 millions d’habitants, certains protégeant et servant, d’autres détroussant tout aussi allègrement. A partir d’une plateforme de sécurisation personnelle réussie, l’insécurité des autres est toujours une opportunité d’affaires juteuses. Ceci peut être illustrée par l’une de leurs opérations immobilières récentes consistant en l’achat d’un terrain de 87 carreaux, (1,000,000 de m2) à USD 1.00/m2, d’un propriétaire terrien acculé par des spoliateurs, le matraquage immédiatement après l’acquisition, des spoliateurs grâce à un accès privilégié à la violence d’État, la mise en place d’un mur de clôture pour USD 1.00 le m2, et le lotissement à USD le m2 de l’ensemble ayant coûté Usd 2.00/m2. Achat et sécurisation deux millions, mise à la vente la même année au prix annoncé de vingt millions. Pour les amis, il a été possible de descendre à 14 et même 12 dollars/m2 soit quand même 600%. Cerise sur le gâteau pour clore le tout, une nouvelle route de désenclavement au frais du contribuable qui fait grimper la valeur réelle du terrain au triple, ce qui rend les amis moins grincheux, ou les font même applaudir ce leadership visionnaire, alors qu’en France, la Taxe Locale l’Equipement (qui n’existe pas dans nos lois) aurait récupérée la plus value imputable à cet investissement public payé par le contribuable. Pareille transaction est moins crue que celle menée par un ancien Ministre du Plan de Jean Claude Duvalier qui en premier lieu a pu acheter à vil prix de la Banque Centrale un mini parc industriel à Drouillard, en partenariat avec d’autres pontes de l’appareil d’Etat, a maintenu au départ des Duvalier une situation de recel de biens confisqué par l’État pendant près de douze ans, en entraînant dans des faux en écriture un notaire de la place, et a pu escroquer à tour de rôle l’Etat haïtien, son ex épouse commune en biens et divorcée, un promis de vente, et sa nouvelle épouse en apportant dans le nouveau mariage un bien aliéné. Remisant les photos de Roger Lafontant et entrant à Tabarre dans la période interlope de début 2000, il s’est senti suffisamment assuré pour chercher à consolider cette nouvelle rente politique, pour entrer par effraction sur appui de Tabarre et complicité d’un Juge de Paix de Cité Soleil dans les locaux du promis de vente, a tenu tête aux injonctions du Commissaire du Gouvernement de remettre les choses en l’état, puis a arrangé avec la complicité d’une banque de la place la saisie de son propre bien pour moins de 10% de sa valeur réelle, et le rachat par la même banque, en complicité avec un notaire « respectable », pourtant saisi des oppositions. Quand on parle d’une respectable association de malfaiteurs!Ne parlons pas d’une Marie Jeanne de la Révolution achetant en 1991 un chèque de 20 millions de dollars émis par le Gouvernement de Taiwan au nom d’un chef d’Etat à 5 Gdes le dollar, lors d’une décote de 7/1, réalisant dans la journée 40% ou 8 millions de dollars sur l’opération, et/ou une firme privée acceptant un mandat de construction d’une route publique (la route de Tabarre) sur financement de l’ONG La Fanmi Sé Lavi se substituant pour ce faire au ministère des TPTC. Les opérations de ces oligarques sont sans commune mesure avec les larcins des gangs à la Dread Wilmé. Entre le kidnapping des moyens d’existence de l’ensemble de la population et des actes crapuleux d’extorsion des petits gangs de mafieux, on peut se demander jusqu’à quand la Minustah et la police nationale continuera à sécuriser un gang face à l’autre. La réponse viendra probablement d’un Poutine de nos eaux. La rente politique, en tant qu’instrument de perpétuation des autres rentes, est la plus importante à débusquer. Un commencement peut être le remplacement d’une commission présidentielle cooptée depuis 1984 et sans renouvellement réel depuis lors, par un Grand Conseil Économique et Social suivant les engagements internationaux déjà pris par d’ailleurs par l’Etat haïtien. La transparence qui s’ensuivrait empêcherait à ces « investisseurs » des cercles politiques de continuer à faire main basse sur le secteur bancaire, les entreprises d’état privatisées et sur de vastes espaces immobiliers. La rente de la communauté internationale – comme sous-ordre de la rente politiqueL’envahissement de l’espace politique par la communauté internationale la fait participer au régime des rentes, et en ce sens elle est devenue un obstacle au développement du pays. Elle s’empiffre du pactole amené par les luttes contre l’insécurité, la pauvreté, et maintenant les élections. L’INSÉCURITÉChaque année depuis des décennies, Haïti est classée comme pays à risque (comprenez avec primes de risque à l’avenant allant des fois jusqu’à 60%), ce même aux périodes les plus tranquilles de notre histoire pour nos experts de la communauté internationale. Mais ne demandons pas aux bénéficiaires de cette manne de couper la branche sur laquelle ils sont assis en faisant un rapport contraire qui aurait comme résultat la diminution de leurs revenus . On a pu voir la sécurité d’un Chef d’État aux mains du groupe américain Pearle, pour 13 millions de dollars américains annuellement. L’ONU n’est pas en reste en dépensant 550 millions de dollars pour huit mois de fonctionnement de la Minustah en 2004 pendant que les anciens militaires démobilisés sécurisaient les deux tiers du territoire à l’œil. L’opportunité étant dans la forfaiture, on a aussi pu voir les responsables de la sécurité et de l’intégrité du territoire en concéder l’usage pour le transit de la drogue, ajoutant à notre Classe de Pouvoir d’Etat les barons de Medellin et de Cali. Il est à ce propos remarquable de voir que tous les responsables de la sécurité publique de l’ancien appareil d’Etat et un ancien Président du Sénat en prison aux USA pour trafic de drogue. LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉLutte juteuse où l’aide internationale bilatérale est canalisée vers les ONGs des pays donneurs d’aide. Les taux de retenue sur les projets varient entre 37 et 85%. Les curées sont ordonnées ; on pense toujours à faire venir un Ministre pour dire merci lors de la remise de fonds de bailleurs internationaux à ONGs internationales, disons de 5 millions de l’UE à trois ONGs européennes dans le domaine de la santé, ou de 35 millions de l’USAID pour la réhabilitation des Gonaïves, avec des interventions planifiées sur le réseau routier, la voirie et le drainage, et dont la mise en œuvre a été décidée sans consultation ni du Chef du Gouvernement, ni des Ministères techniques concernés. Le Premier Ministre Latortue invité à la dernière minute pour cette mascarade, s’y est prêté de bonne grâce, en acceptant ce don au nom du peuple haïtien, tandis que l’accord de don précise que les fonds seront gérés par l’USAID qui est aussi habilitée à passer des appels d’offres ouverts seulement aux ONGs internationales américaines. Dans ce moulin qu’est devenu Haïti, ou à chaque renouvellement de cabinet, l’international pousse ses boys de service, il s’agira pour le rétablissement de la dignité nationale, de mettre en application les prescrits de la loi de 1983 qui stipule que les projets des ONGs internationales doivent s’inscrire dans les plans de développement sectoriels, doivent être autorisés par les ministères concernés, supervisés et évalués par le Ministère du Plan en vue du renouvellement de leur autorisation de fonctionnement qui est annuelle. Aucune ONGs travaillant sur le terrain n’a été dûment autorisée depuis près de quatorze ans ! C’est le moment pour que l’audit ex ante et ex post de leur action soit confiée à leur frais à un observatoire ou une instance largement représentative de la société civile, en sorte que nous n’ayons plus à voir de scandales comme celui du Projet de la FAO à Marmelade dont l’utilisation du budget de quatre (4) millions de dollars est reproduit en annexe pour l’édification des lecteurs. Fin de la première partie.Note: Ce document nous est parvenu de la part de notre correspondant sur place a Port-au-Prince, l’agronome Hugues Joseph. L’auteur de ce texte peut être contacté à biorsa@yahoo.com