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Friday, November 8, 2024

Responsabiliser les pères en Haïti ?

Par Frantz DELICE

 ‘’Il y a deux types d’hommes : ceux qui cherchent leur père, et ceux qui cherchent à tuer leur père.’’ Eliette Abecassis Extrait de mon pèreMarthe, une petite fille de six ans, traîne chez elle au  premier lundi d’octobre. La rentrée  des classes a déjà eu lieu en  septembre. Sa mère aux abois, ne peut pas l’envoyer à  l’école comme les  enfants de son age. Marthe reste à jouer sur la cour de sa maison. Elle demande avec insistance quand elle pourra, elle aussi y  aller.  Sa mère, une jeune femme dans la vingtaine, sans travail, ni instruction, l’a eu d’un homme, qui lui aussi ne travaille pas, et ne se soucie même pas d’eux.                       Le père de Marthe n’est pas en concubinage avec seulement la mère de Marthe. Quatre autres jeunes femmes sont dans cette situation, et ne peuvent elles aussi envoyer leurs enfants à l’école. Car elles attendent toutes un peu d’argent  du père de Marthe.                     Ce même scénario se rencontre un peu partout  en Haïti. Des enfants qui ne peuvent manger  à leur faim, ni fréquenter à tant les bancs de l’école. Faute de moyens économiques de leurs mères, qui sont abandonnées après la grossesse par leur ‘’homme’’. Elles se retrouvent toutes en train de quémander, de travailler dure pour subvenir  aux besoins de leurs enfants et d’elles-mêmes. Pendant ce temps leur homme cherche de nouvelles victimes, de nouvelles proies.                 Marina, une jeune femme de  vingt-cinq ans, a été abandonnée par son père qui vit aux Etats-Unis d’Amérique. Elle a dû  affronter avec sa mère les pires misères. Elle ressent encore les séquelles des enfants sans père,  elle en témoigne : ‘’ Pito m pat janm gen papa – Pito m pat janm konnen non nèg sa ‘’ .Pour marina, elle a eu un géniteur et non un père, car pour elle un père prend soin de ses enfants et est toujours là pour eux.                Vivre sans père, savoir qu’on a été abandonné,  est d’un dur cauchemar  pour ses enfants   qui doivent malgré   eux  survivre à cette situation  dévalorisante. Et plus dur encore pour ces femmes qui ne savent comment répondre aux multiples interrogations de leurs progénitures. Elles sont désarmées  et parfois gardent le silence sur un passé douloureux. Certaines essayent d’éviter la même erreur à leurs filles. En restant vindicatives et en ayant peurs  systématiquement que leurs filles côtoient des garçons. Et ainsi la spirale de la douleur et de l’abandon  se perpétue, car le plus souvent le même scénario se recommence.                  Avec la douleur au cœur et les larmes aux yeux, Judith retrace son parcours de jeune fille abandonnée par son père. Sa vie de jeune femme montre encore les stigmates. ‘’Comment faire confiance  à un jeune homme quand on a été abandonné par le seul homme qui devrait compter dans notre univers de petite fille,‘’ s’exclame Judith fort en colère. Les témoignages de ces femmes montrent l’étendue des dégâts de l’irresponsabilité de certains hommes haïtiens. Plus de cinquante pour cent des enfants haïtiens n’ont pas de papier d’état civil, ils  vivent sans  reconnaissance légale de leur père. Ils portent  les noms de leurs mères. Car en Haïti les enfants  peuvent ne pas avoir de père mais ils ont toujours une mère.  Jeanne, une femme dans la trentaine rencontrée  à Delmas  affirme de façon catégorique : ‘’ pitit toujou gen manman, men pa  toujou kon n gen papa ‘’ et elle renchérit en ces termes : ‘’ Gason Ayisyen se kok, fanm se poul.‘’ Cela montre l’énormité du phénomène qui est la résultante de l’éducation qui se donne aux seins des familles, de l’instruction reçue sur les bancs des l’école et de l’insuffisance  des mesures  étatiques pour enrayer ce mal.            ‘’Que faire quand on est femme, sans travail,  sans instruction, avec 2, 3,5 enfants sur les bras ?  Telle  est la question que posent ces mères  délaissées avec leurs enfants aux  responsables du pays. Madame Jacques, une femme dan la soixantaine  raconte son histoire dans un tap -tap faisant route pour Pétion -Ville. Elle a eu  quinze enfants de plusieurs pères. C’était à elle que revenait la tache de les  éduquer, de prendre soin d’eux et de veiller à  leur confort et leur développement  intellectuel.  ‘’ Gras a Dieu, pitit mwen yo  sove, se selman pi piti ya ki lekol toujou.‘’.Madame Jacques s’est ruée au travail pour les sauver. Comme elle le dit,  car en fait, réellement ce sont ses enfants.                 La situation de toutes ses femmes dépossédées de leur avenir, de leur espoir d’un lendemain meilleur, devrait attirer l’attention des décideurs du pays. Cela demande de réfléchir  à  l’instruction qui se donne sur les bancs de l’école, et l’éducation au foyer, des rôles qu’on  entretienne et définisse  pour les sexes  dans la société. Ce phénomène trouve un vibrant retentissement dans les paroles d’une  des chansons de Richard Hérard dit Ritchie , en ces mots :    M’ap grandi nan yon vi mwen pa chwazi –  Se manman kap redi pou m pa soufri –  M’ap grandi tou piti m’pot ko menm gen lespri mwen toujou ap mande manman si wap vini  -Papa ,papa pouki ou pa pale ak manman’m jan nou renmen (…) –   Pou kisa ou pa vle pran’m – Ho  papa eske se sa’w ta vle’m fe le mwen grandi….  — Pou mwen pa kwe ho nan papa oo oo oo  ‘’ .  A quand une politique qui responsable les pères en Haïti ? Car comme l’a si bien écrit Antoine de  Saint – Exupéry  dans Terre des Hommes : « Être homme c’est précisément être responsable. (…) C’est sentir en posant sa pierre, que l’on contribue à bâtir le monde. ». Cela devrait faire réfléchir les  pères en Haïti, les décideurs politiques, et les gens de la société civile dans l’élaboration de leur politique de reconstruction nationale. Note : Frantz DELICE est notre nouveau correspondant en Haiti. Il est écrivain et il vit à Port-au-Prince. Vous pouvez lui contacter à frantzdelice@yahoo.fr

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