Le livre vu par Morgane Bloncourt
Nous publions cet article de Morgane Bloncourt, ses réflexions sur le dernier récit de Gérald Bloncourt décrivant son passé révolutionaire en embrassant une cause qui lui a toujours rendue jeune, fougueux et fondamentalement conséquant à ses convictions profondes—même à 88 ans. Gérald reste encore le doyen de la gauche haitienne exilé à Paris depuis 1946. L’article est ci-dessous.
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Cet hymne à l’espoir « des lendemains qui chantent » se lit d’une traite. J’y ai retrouvé la chaleur moite de mes Antilles adorées, le froid pluvieux de mon Paris chéri, et la force de mon vieux papa, mon « héros au sourire si doux ». Ce livre nous transporte en Haïti d’où on découvre les souvenirs de l’enfance. C’est à travers ces yeux d’enfant qu’on y comprend la dictature. Ainsi, les souvenirs les plus terribles sont évoqués de façon simple, sans pessimisme, et côtoient les images les plus joyeuses.
Pêle-mêle j’y ai retrouvé les narrations de mon enfance, cette tête fichée sur un pic brandi par la foule contestataire passant à la fenêtre, ce vieux Diogène battu à mort pour rendre la ville propre aux yeux des touristes yankee… mais j’y ai également retrouvé les Cric-Crac de mes contes d’enfants, mon maïs-moulin, les récits de guerre de mon grand-père, et ces liens avec la terre caraïbe tissés plus tardivement mais qu’y fait depuis mes 11 ans et fera pour le reste de ma vie partie intégrante de moi.
Grace à eux et par ce livre j’ai voyagé, j’ai ressenti cette chaude humidité étouffante qui nous saisit en débarquant de Paris, j’ai caressé la tête crépue des mornes, je me suis cognée au soleil de plomb des chaudes après-midis, je me suis promenée dans les plantations de bananiers… Et de 1946 à 2014 j’y ai bien reconnu mes parisiens dont je fais partie, pressés et renfrognés, perdus dans leurs petites préoccupations individuelles. Mais surtout par ce livre je me suis prise a rêver d’un monde meilleur, plus uni, plus juste, et si à 87 ans tu arrives à y croire encore, alors du haut de mes 23 ans je vais tenter moi aussi de vouloir le changer ce foutu monde et de dire « merde a l’espace ».
Note: Morgane Bloncourt est la fille cadette de Gérald Bloncourt. Elle vit à Paris. Aimez notre page sur Facebook: www.facebook.com/csmsmagazine