Par Péguy André JosephSpécial pour CSMS Magazine Si on n’habite pas les zones de Sans-fil, de Bel-Air, de Solino et de Delmas 2, on pourrait avoir l’impression que tout fonctionne bien, à considérer toutes les péripéties qu’ont connues les populations de ces quartiers. Piétons, tap-tap, minibus et voitures privées vaquent sans problème à leurs activités. Mais à regarder plus près, cette sécurité apparente fait penser à un baril de poudre qui peut exploser à tout moment.Certaines zones de Port-au-Prince considérées durant les trois dernières années comme de non-droit sont devenues apparemment accessibles à tout le monde.« Comment peut-on dire que la vie reprend dans la zone, alors que les entreprises commerciales n’ont pas rouvert leurs portes? Les gens ont peur. Ils constatent tout simplement que l’insécurité s’endort », regrette Paul un jeune mécanicien du Bel-Air, qui gagne difficilement sa vie depuis plus de dix ans grâce à son métier. Vêtu de sa salopette avec des tâches de graisse, Paul jure de ne pas laisser sa zone natale, malgré que ses clients ne viennent plus lui faire réparer leurs voitures. « Je crois qu’au fur et à mesure la situation changera et je trouverai les moyens pour pouvoir nourrir mes deux enfants », soupire-t-il, espérant que ses clients retourneront un jour.Une vie difficile pour les jeunes …Frantz, contrairement au mécanicien, et comme beaucoup d’autres jeunes, n’a pas un métier pour gagner sa vie. Habitant Delmas 2, il vient tous les matins à sa base auprès de l’église du Perpétuel Secours au Bel-Air dans le but d’oublier sa faim qui le chipote et de bénéficier d’un joint de « boz » de ses compagnons. « Je fais tout ici. Sauf que je n’y dors pas. Que l’on veuille ou non mes amis me donneront quelque chose à manger», dit-il, ses yeux somnolents, rouges comme du sang, et un bout de marijuana entre ses droits. Malgré tout, Frantz croit qu’un jour les activités reprendront vie dans la zone pour trouver un boulot lui permettant de satisfaire ses besoins primaires. Avant les événements de 2004, il avait l’habitude de se nourrir au complexe éducatif du Bel-Air grâce aux mets préparés par des étudiants. « Maintenant le centre est fermé, je me contente de draguer les nanas. Et puis, je vis au dépend des autres », lâche-t-il d’un ton laconique. A part les églises, les cybercafés, les banques de borlette et le petit commerce, dans les zones du Bel-Air, de Solino et de Sans-fil, les grandes entreprises commerciales n’ont pas encore rouvert leurs portes comme l’ont souhaité certains riverains. Socabank, Unibank, Sagesse quincaillerie et polyclinique Larosilière sont parmi les entreprises qui offraient leurs services à la communauté du Bel-Air et de ses environs. Cible de pillages et d’incendies des gangs armés entre 2004 et 2006 ces entreprises ont plié bagages. Avec un projet de réhabilitation des routes et de curage de canaux mis sur pied par le gouvernement haïtien par le biais du programme d’apaisement social (PAS) financé par l’USAID, certains jeunes avaient bénéficié d’un emploi de courte durée qui leur permettait de gagner entre 150 et 250 gourdes par jour. « Il faut qu’il y ait d’autres activités qui permettront aux jeunes de se nourrir quotidiennement. Le PAS doit être permanent. Si non, la situation sécuritaire de la zone peut s’aggraver », admet un ingénieur civil responsable d’un projet de réhabilitation de route à carrefour Péan. « J’ai été employé dans la réhabilitation des routes de la zone. Le contrat est donc terminé, je suis resté sans occupation », lance un jeune de Solino rencontré dans les parages d’un terrain de football du quartier.L’apprentissage du portugais, un atout …Des dizaines de jeunes de Fort national et des zones avoisinantes ont bénéficié des cours de portugais dispensés par des soldats brésiliens. Cette initiative du contingent brésilien a permis à certains jeunes d’obtenir un emploi à titre d’interprète. Etienne, l’un des bénéficiaires du programme et interprète à la MINUSTAH s’est dit satisfait du cours. Cependant, il pense que l’État doit jouer son rôle pour encadrer les jeunes des quartiers populaires. « Si nous sommes vraiment l’avenir du pays, pourquoi les autorités ne prennent pas soin de nous?», se demande-t-il offusqué.voir aussi La recherche, parent pauvre de l’Université d’ État d’ Haïti (UEH)Note : Péguy André est Communicateur Social et journaliste .Il collabore avec l’équipe de CSMS Magazine en Haïti. Il peut être contacté à peguy_andre@yahoo.fr