Par Ardain Isma
CSMS Magazine
« Pa lage. An avan ! L’espoir court encore dans les veines d’Haïti. »
Hier soir, au moment où beaucoup doutaient encore de l’avenir d’Haïti, un éclat de lumière a traversé la nuit. L’équipe nationale haïtienne de football a triomphé du Nicaragua et s’est officiellement qualifiée pour la prochaine Coupe du Monde — un exploit historique, une déflagration d’espoir, un cri de joie partagé de Port-au-Prince à Montréal, de Cap-Haïtien à New York, de Gonaïves à Boston, Miami, Chicago et Paris.
Dans les rues d’Haïti, malgré les violences et l’incertitude, on a chanté, dansé, pleuré de fierté. Dans la diaspora, les vidéos affluent déjà : drapeaux agités, klaxons, youyous, messages de bonheur. Hier soir, ce n’était plus un peuple écrasé. C’était un peuple debout.
Et ce moment — ce pur moment de magie — nous dit quelque chose de profond : la jeunesse haïtienne n’a pas renoncé.
Cette victoire n’est pas simplement sportive. Elle est symbolique. Elle est spirituelle. Elle est historique. Elle vient confirmer ce que j’écrivais dans Vertières, Mémoire Vivante : malgré l’obscurité du présent, quelque chose continue de vivre dans le cœur des jeunes — une flamme, un courage tranquille, une foi tenace en un lendemain meilleur.
Au stade, hier, dans les yeux de ces jeunes joueurs, il y avait exactement cela : le refus de la fatalité, l’audace, la discipline, la conviction que rien n’est impossible lorsque l’unité se met en marche. Les Haïtiens ont senti en eux la voix de leurs ancêtres : « Pa lage. An avan ! »
Car, d’une certaine manière, ces footballeurs ont reproduit le message de Vertières : se tenir debout contre l’adversité, défier les pronostics, combattre avec conviction, donner l’espoir à tout un peuple lorsque tout semble perdu.
La jeunesse haïtienne, trop souvent stigmatisée ou réduite à ses blessures, vient de rappeler au monde qu’elle possède encore cette force intérieure héritée de 1803 — cette capacité à surprendre, à se dépasser, à faire briller la dignité collective.
Hier soir, c’est elle qui a pris le flambeau. Hier soir, c’est elle qui a brandi le drapeau. Hier soir, c’est elle qui a murmuré : « Haïti ap toujou la. Nou pa fin kraze. Nou pap lage. »
L’exploit de cette équipe est plus qu’un score sur un tableau. C’est un acte de résistance. Dans un pays meurtri, ils ont offert un moment d’unité nationale — quelque chose que même la politique ne parvient plus à créer. Ils ont donné aux familles, aux enfants, aux mères, aux dirigeants, aux artistes, aux ouvriers, aux enseignants… une raison de sourire ensemble.
Ce que ces jeunes joueurs accomplissent, c’est la matérialisation d’un rêve que Vertières portait déjà : l’idée que chaque génération peut écrire une nouvelle page de fierté, même lorsque les temps sont sombres.
Aujourd’hui, nous leur disons merci. Merci pour cette victoire. Merci pour cette émotion. Merci pour cette étincelle d’espoir. Merci de prouver, encore une fois, que le peuple haïtien possède une force que rien ne peut éteindre.
Et au peuple haïtien, nous disons : le chemin est difficile, mais hier soir l’histoire vous a rappelé que vous êtes toujours debout. Le sang de Vertières coule encore dans vos veines. Et grâce à votre jeunesse, grâce à ces héros du terrain, Haïti respire encore — et rêve encore.
Note : Ardain Isma est professeur d’université, romancier, essayiste et chercheur. Il est rédacteur en chef du CSMS Magazine et dirige Village Care Publishing, une maison d’édition indépendante dédiée à la littérature multiculturelle et axée sur la justice sociale. Parmi ses œuvres figurent Midnight at Noon, Bittersweet Memories of Last Spring, Last Spring Was Bittersweet et The Cry of a Lone Bird — son plus récent roman, qui explore la résilience, l’amour et la quête permanente de la dignité humaine.

