Par Frantz DELICECorrespondant de CSMS MagazinePort-au-Prince—Le Champs de Mars , en plein cœur de Port- au- prince , a accueilli du 14 au 16 octobre 2007 une foire gastronomique à l’occasion de la journée internationale de l’alimentation organisée par le Ministère de l’Agriculture des Ressources naturelles et du développement ( MARNDR). Des commerçants des dix départements géographiques du pays ont fait le déplacement pour venir offrir leurs produits aux Port –au -princiens et Port-au-priciennes. Des objets artisanaux de toute sorte côtoyaient les fruits, les légumes, les volailles, les fritures. Beaucoup d’élèves ont visité cette foire qui a représenté pendant ces deux jours une bonne cour de récréation avec animation DJ. Les jeunes, cadençant au même pas, ont dansé le “limbo”, une nouvelle danse très prisée. Au milieu des odeurs alléchantes des fritures, des bananes pesées, de lalo, de tom-tom, des mets typiquement haïtiens, agrémentés par les sons des musiques en vogues sous le regard de l’empereur Jean Jacques Dessalines , la foule allait et venait. Cette foire a permis à certaines institutions travaillant dans le domaine de l’agriculture et de l’élevage de présenter leur programme, leur projet. Ainsi des photos- reportages de projets en cours d’exécution dans différentes régions du pays ont été exposées. Cette foire a permis de voir quels sont les organismes internationaux travaillant sur le terrain et ce qu’ils font. A la lumière de ces informations, on ne peut pas ne pas s’interroger sur le thème de la journée mondiale de l’alimentation à savoir « Le droit à l’alimentation ». Pourquoi le nombre d’organismes et de coopération travaillant dans ce domaine n’est pas proportionnel au rendement agricole ? Pourquoi le nombre de personnes ne pouvant pas se nourrir augmente au lieu de diminuer ? Les responsables du Programme national de Sécurité Alimentaire (PNSA) ont bien voulu éclairer nos lanternes.Le programme de sécurité alimentaire (PNSA) au cœur de l’action… Une large banderole avec le logo et les caractères de PNSA attire l’attention. Les curieux sont stupéfiant. Peut-on parler de sécurité alimentaire en Haïti ? C’est la première question qui a été posée à l’un des responsables du programme. N’y a-t-il pas une aberration lorsqu’on sait qu’une large partie de la population souffre de la faim ?.Comment peut-on agir pour rendre effectif ce droit ? L’agronome Samuel D’Haiti, coordonnateur départemental dans l’Artibonite, a accepté de présenter le PNSA aux auditeurs attentifs. Selon le coordonnateur, le PNSA est un projet pilote du gouvernement haïtien. Ce projet est sur le point d’être étendu à tout le territoire national en partenariat avec le PAM, et le FAO. L’agronome D’Haïti continue en expliquant les photos affichées. Le PNSA contribue au renforcement du projet de cantine scolaire en Haïti, en encadrant les agriculteurs dans leurs productions. Les récoltes sont vendues au PAM pour les cantines scolaires. Ainsi tout en favorisant la réduction des importations, le PNSA est un pilier pour les enfants défavorisés des cantines scolaires.Pléiade d’organismes étrangers sur place … La visite des stands d’exposition a permis de voir la présence non négligeable d’une pléiade d’organismes étrangers au Champs de Mars .le PAM, le FAO, l’ACDI, L’UE, la coopération du Japon, de la France …. Toutes ces agences internationales et ces coopérations pour lutter contre la faim en Haïti ; et le problème du droit à l’alimentation demeure entier. Comment se fait-il que malgré la présence de toutes ces agences et ces coopérations sur le terrain, rien n’a visiblement changé dans le pays. L’agronome D’Haïti opine en précisant que le problème de la faim n’est pas spécifique à Haïti, c’est avant tout un problème mondial. Mais la particularité haïtienne est que l’Etat est démissionnaire en tout. Les agences internationales et les coopérations identifient les problèmes et apportent un début de solution surtout dans le cadre de projet pilote. L’Etat haïtien devait étendre sur le plan national les bienfaits du projet pilote. Le PNSA tente de responsabiliser les paysans pour s’assurer de la continuité des projets entrepris par l’international. Seuls des paysans conscientisés et imbus de leurs intérêts pourront travailler à leur propre développement social. Et cela sera un palliatif aux déficiences de l’Etat haïtien. La vallée de l’Artibonite constitue selon l’agronome, le meilleur exemple typique du problème alimentaire en Haïti. Cette vallée comporte 42 milles hectares, dont seulement 32 milles sont mis en valeur par l’agriculture. Mais que s’est-il passé avec les 10 milles restants? Ces 10 milles hectares de terre sont en mauvais état, et sont improductifs à cause du manque de canaux d’irrigation. Haïti a besoin de 700 à 800 milles tonnes de riz pour nourrir toute sa population. Que produit-elle ? Pas plus de 170 milles tonnes de riz. Cette baisse dans la production du riz est significative de ce qui se passe pour les autres produits de première nécessité. Cela est dû au manque d’encadrement des planteurs en Haïti, surtout dans l’Artibonite. Selon l’agronome, l’Etat haïtien ne subventionne pas l’agriculture, et ne joue pas effectivement son rôle en tant qu’acteur dans la régulation des prix sur le marché agricole. Tandis que dans les autres pays, les agriculteurs, en plus des subventions de l’Etat, utilisent des machines pour produire, labourer la terre. Et dans ces cas, l’Etat peut intervenir pour fixer les prix, la quantité à produire. Tout cela pour garantir la compétitivité du marché.
Le PNSA sur la route de la réduction des importations…
Le programme National de la Sécurité alimentaire travaille vers une réduction des importations de produits pour l’alimentation en encadrant les agriculteurs. Cette réduction des importations doit passée d’abord par la conscientisation des planteurs pour plus de performances. L’agronome D’Haïti préconise la responsabilisation des paysans haïtiens pour solutionner le problème de l’agriculture. En outre, il faut fournir aux agriculteurs des machines et aussi subventionner les intrants agricoles dont ils ont besoin. Tout cela doit passer par une bonne politique de crédit agricole.
Faire que les routes puissent relier les haïtiens …
L’Etat doit mettre sur pied de bonnes infrastructures, des routes devant faciliter aux paysans-nes l’écoulement de leurs produits. L’agronome a présenté comme exemple la production de la mangue dans la région du Nord du pays. Les mangues restent à pourrir sur place à cause du manque de réseau routier viable. Les routes ne relient pas vraiment les hommes en Haïti. Au contraire leur inadéquation augmente l’éloignement et défavorise la communication et l’échange. Malgré ces inconvénients, le pays dispose d’avantages concurrentiels au niveau agricole, car nos produits sont privés d’éléments chimiques, c’est encore une agriculture selon la nature.La musique reprend son droit, et la foire gastronomique continue … La musique, les odeurs savourantes des fritures reprennent leur droit après les explications du coordonnateur du Programme National de Sécurité Alimentaire. On dirait que le temps s’était arrêté, que le Champs de mars n’était plus. C’était un moment de communion et de réflexion sur les problèmes alimentaires du pays, moment de découvrir la lutte quotidienne du Ministère de l’agriculture, des agents de la PNSA sur le terrain pour traquer la faim dans ses retranchements. A quand la célébration d’une journée mondiale de l’alimentation où les organisateurs étatiques pourront donner des chiffres présentant l’accès à l’alimentation pour tous-tes comme une réalité A quand une journée qui ne se réduirait pas en vains discours politiques et en marché symbolique mais en cuillère à la bouche pour chaque haïtien. Il est temps d’agir car chaque haïtien a droit à une nourriture saine et équilibrée. Il est temps d’agir, il ne suffit pas seulement de le dire, Agissons ! Voir aussi Responsabiliser les pères en Haïti ?Note : Frantz DELICE est notre nouveau correspondant en Haiti. Il est écrivain et il vit à Port-au-Prince. Vous pouvez lui contacter à [email protected]