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Thursday, April 25, 2024

POUVAIT-ON QUALIFIER DE POSITIF LE ROLE DE LA PRESENCE FRANCAISE OUTRE-MER ?

Par Marie-Jeannine MyrtilIl s’est avéré que les parlementaires ne se sont  malheureusement  pas posés cette question sensible, délicate mais nécessaire. En effet,  la loi numéro 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, énonce dans son article 4 que : « Les programmes de recherche universitaire accordent à l’histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu’elle mérite. Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord… » A sa promulgation, cette loi  qui a été proposée par la droite a suscité de vifs débats dans le milieu des  enseignants et les historiens. Dans un premier temps, on pourrait se demander comment une telle loi a pu être votée par les parlementaires ? Les citoyens français devront peut-être à l’avenir s’intéresser de plus près aux lois votées par leurs représentants puisque de telles aberrations sont possibles. Présentés par des députés de droite tels que Michel Diefenbacher, ou encore Christian Kert, qui ne sont pas à jour dans leur cour d’histoire coloniale, ce qui n’est pas étrange vu la volonté de la France de ne pas révéler toute la réalité sur la colonisation, les rapports écrits par ces personnes concernant cette loi déclarent que  « les terres (colonisées) ont été mises en valeur, les maladies ont été combattues, une véritable politique de développement a été promue… » L’attitude de ces députés correspond à une sorte d’ignorance liée au rôle de la France dans les pays colonisés, pire, cela peut correspondre aussi à une certaine  nostalgie du passé colonial français. Certains croient encore que la colonisation ne renferme que des effets positifs et ce n’est pas étonnant que ces derniers soient de droite.Par ailleurs, il serait utile de se poser la question suivante : comment une telle loi a pu être promulguée en France, autrement dit comment une si grande Nation peut-elle donner une qualification unique et positive au rôle de la présence française outre-mer ? On répondra que cela ne surprend pas la majorité des Français à qui cette histoire commune d’avec les colonies n’a jamais été réellement révélée. Puisqu’ils sont ignorants de cette histoire, il est normal qu’une  telle loi ne soit pas choquante. En France, en effet, il n’est pas coutume de dévoiler la réalité de l’histoire coloniale, il est d’usage de la cacher et de ne parler que des grands héros comme Napoléon mais bien sûr sans préciser qu’il a rétablit l’esclavage et la traite dans les Antilles alors que ceux-ci ont été abolis sous la Révolution. Il n’est donc pas surprenant que ce mouvement se perpétue. L’Etat s’évertue à donner une image édulcorée à ce que les Africains en général qualifient de honteux. Prenons l’exemple de la guerre d’Algérie, il a fallu attendre 1999 pour qu’on puisse officiellement parler de « guerre », auparavant, on disait pudiquement les « évènements » d’Algérie. Par ailleurs, l’esclavage et la traite négrière n’ont été reconnus officiellement crime contre l’humanité que le 21mai 2001par la loi Taubira.   .Il est donc évident qu’il y a une volonté de garder secret des aspects importants du passé colonial de la France.Cette façon de faire de la France n’est –elle pas alarmante ? La politique de la France consiste à la présenter comme un pays sans reproche. Or aujourd’hui, cette loi est refusée par de nombreux intellectuels. La France ne peut plus si elle souhaite résoudre certains problèmes comme les émeutes dans les banlieues continuer à négliger son rôle colonial qui est loin d’être positif . Parler d’un quelconque caractère positif équivaudrait purement et simplement à une insulte,  vis-à-vis des descendants des ex-pays colonisés. Cela explique aussi le fait qu’il n’existe pas une réconciliation effective entre la France et les ex-colonies, et la reconnaissance de l’histoire et de toute l’histoire, sera le prélude de cette entente. La France se veut d’être un pays lavé de tout blâme, mais cela n’est pas possible car historiquement, c’est un mensonge. L’histoire coloniale occupe une place dérisoire dans l’enseignement en générale et elle se présente comme un fait indispensable ayant dès lors une image favorable. Or, en plus de cette  façon erronée de voir la colonisation, la France voudrait de surplus apprendre aux jeunes que la colonisation a eu un rôle positif, cela est inacceptable. Elle porte un jugement de valeur mensonger sur l’histoire.   Accepter une telle  vision de la colonisation laisserait la porte ouverte à des dérives encore plus graves de la part de la France. Il apparaît une fois de plus que la colonisation demeure un sujet tabou, qui dérange. Cette loi doit donc être perçue comme une provocation, la réitération du comportement irrespectueux et colonialiste de la France, sa volonté d’imposer aux enseignants et aux jeunes l’enseignement d’une histoire officielle et non réelle. Ainsi, comme il fallait s’y attendre, cette loi a fait couler beaucoup d’encre. Des personnalités se sont de ce fait mobilisées pour faire abroger l’article 4 de ladite loi. Ainsi, des professeurs d’université comme Claude Liauzu, Gilbert Meynier, Frédéric Régent ont demandé le retrait de cet article. Ils soutiennent entre autre que la neutralité scolaire et la liberté de pensée ne sont pas respectées, que le soi-disant rôle positif cache en réalité un « mensonge officiel sur des crimes…sur l’esclavage, sur le racisme hérité de ce passé. Le collectif « 23 février »qui regroupe des associations telles que le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples(MRAP) souhaite quant à lui l’abrogation totale de la loi, pour lui, la seule suppression de l’article 4 ne suffit pas. Par ailleurs, Alger a reporté la signature d’un traité d’amitié avec la France pour manifester sa désapprobation. Monsieur Sarkozy a dû quant à lui annulé une visite aux Antilles vu la mobilisation des Antillais contre cette loi et le refus de Monsieur Césaire de recevoir le ministre de l’intérieur.Le chef d’Etat forcé d’intervenir à un mois du premier anniversaire de cette loi a décidé dans un premier temps de réécrire l’article 4 puis a annoncé sa suppression pour selon lui »retrouver les voies de la concorde. D’après Monsieur Chirac, « la Nation doit se rassembler sur son histoire » mais de  quelle histoire s’agit-il ?Marie Jeannine Myrtil est étudiante en droit international et est correspondante de CSMSMagazine en Europe basée à Paris. Elle peut être contactée à mjmyrthil@csmsmagazine.org

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