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Thursday, March 28, 2024

CAED : « Une structure mort-née »

Par Jean Michel Cadet

L’article qui suit nous a été envoyé par un de nos contributeurs. Cet article, comme vous allez le remarquer, fait le récit des manœuvres du gouvernement Martelly-Lamothe dans le cadre de donner un certain crédit à leur gouvernance.

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Le rapatriement de l’aide externe à Haïti continue de hanter les esprits de l’équipe

au pouvoir. Dans cette perspective, s’est tenue le vendredi 8 mai dernier, la première

réunion internationale du Comité d’Efficacitédu Cadre de Coopération de l’Aide

externe (CAED).


Tous les acteurs impliqués dans ce processus ont pris part à cette rencontre : les

représentants du gouvernement, les bailleurs de fonds internationaux, les partenaires

de coopération Sud-Sud et certaines personnalités de la communauté internationale.

Se basant sur le principe de la responsabilité mutuelle, ces acteurs se sont entendus

sur une gestion haïtienne de l’aide externe. Le Premier ministre haïtien, Laurent S.

Lamothe, intervenant en la circonstance, formule le vœu que les 48% des fonds promis

à Haïti par les bailleurs internationaux, le 31 mars 2010 à New York, non encore

déboursés, passent par son gouvernement. M. Lamothe rappelle que 52% de ces fonds

ont été utilisés pendant la période d’urgence qu’à connue le pays après le séisme.


Dans un langage direct et précis, Michaelle Jean, envoyée spéciale de l’UNESCO pour

Haïti, réclame, elle aussi, de l’aide au développement. C’est de l’investissement, dit-elle,

qu’il faut à Haïti pour qu’elle s’affranchisse de l’assistanat et de la dépendance.
Pour parvenir à un leadership haïtien de la gestion de l’aide internationale, le

gouvernement et ses partenaires définissent leurs stratégies. Ils se sont engagés à

standardiser et à dynamiser les tables sectorielles. Ce qui leur permettra d’évaluer

périodiquement les progrès de la mise en œuvre des politiques, programmes et projets

de développement.
Rien de nouveau sous le soleil
Si la démarche du gouvernement parait judicieuse, certains analystes sont trèssceptiques quant à la capacité réelle du pays d’y parvenir. Et pour cause, l’idée de confier la gestion de l’aide externe aux pays nécessiteux n’est pas une invention des dirigeants haïtiens. Les bailleurs internationaux s’étaient réunis à Paris en 2005 et ont adopté la déclaration dite de Paris axée sur cinq grands principes. L’alignement, l’un de ces principes, suggère que les pays bénéficiaires de l’aide externe soient les véritables acteurs de leur développement.

En conséquence, il leur revient de définir eux-mêmes leurs priorités et ainsi élaborer des stratégies de mise en œuvre de leurs programmes et projets.Les bailleurs de fonds n’auraient pas à intervenir de leur propre chef notamment via les organisations non gouvernementales comme c’est le cas en Haïti. La dérogation aux principes de Paris a engendré les résultats suivants : 52% du financement international n’ont servi qu’à gérer l’urgence. Les ONG par lesquelles transite ce financement définissent elles-mêmes leur champ d’intervention et priorités. L’aide externe est bâclée. Les espérances de croissance attendues en 2012, par le biais de grands chantiers de la reconstruction, ont chuté de 8% à 2,5%.


Pourtant, se souvient-on, une structure mixte, appelée « Commission intérimaire pour la

reconstruction d’Haïti (CIRH), co-présidée par le Premier ministre d’alors, Jean-Max

Bellerive et l’ex-président américain Bill Clinton, née de la fameuse loi d’urgence

votée par les parlementaires de la 48e législature, a été créée en vue de mieux gérer

les fonds destinés à la reconstruction. Comme le souligne le PM Lamothe, M. Bellerive

plaidait, lui aussi en faveur d’une gestion haïtienne de l’argent promis par l’International.
Analysant la question, le professeur d’université et docteur en économie monétaire,

Eddy Labossière en arrive à la conclusion que le CAED est une structure mort-née.

Son argumentaire repose sur la crise institutionnelle et le déficit de crédibilité des

autorités haïtiennes aux yeux de la communauté internationale. Hormis l’Opposition,

avance-t-il, qui se ligue contre le gouvernement à travers des accusations de corruption

qui altèrent son image, les études relatives à la perception de corruption sur Haïti, réalisées

par des organismes internationaux, enfoncent le clou.


Les irrégularités dans les passations de marché public, à ce sujet, sont souvent soulevées

tant par les nationaux que par l’International pour étayer la thèse de corruption. Les récentes

déclarations de M. Nigel Fisher à ce sujet, en témoignent. Se faisant le porte-parole des

investisseurs étrangers, M.Fisher eut à déclarer que le pays n’était pas ouvert aux affaires.

Et l’une des causes évoquées est le manque de transparence dans les passations de marché

public. Notons à cet effet que le gouvernement Martely/Lamothe a entrepris une campagne

de formation des cadres de l’administration publique en ce qui attrait aux techniques de

montage des dossiers d’appels d’offre.


Dans une seconde approche de son analyse, M. Labossière se dit très sceptique quant à

la volonté de l’International de respecter les engagements de Paris relatifs à la gestion

autonome de l’aide par les pays bénéficiaires. Il insiste sur le fait que les pays n’ont pas

d’amis mais des intérêts. Et dans le contexte de la crise économique mondiale, les marges

de manœuvre des pays donateurs sont limitées en ce qui concerne le financement des projets

de développement. D’ailleurs, rappelle-t-il, l’aide internationale n’a jamais permis à un

pays nanti de se développer. Aussi estime-t-il, que pour sortir de son bourbier, le pays

devrait recouvrer sa souveraineté à tous les niveaux : gouvernance politique, économique,

sociale et institutionnelle.


Créé le 10 mai 2013, le Cadre de Coopération de l’Aide externe (CAED) est une entité

haïtienne dont l’objectif est de redonner à Haïti le leadership de l’aide externe au

développement. Il se veut différent de la Commission intérimaire pour la reconstruction

d’Haïti (CIRH), une structure mixte, qui se limitait à la gestion des projets liés à la

reconstruction.

Note : Cet article a été publié pour la première fois sur le quotidien haïtien, Le Matin.
Jean Michel Cadet peut être contacté @ Jeanmich83@yahoo.fr


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